Expérience du BDD Lubumbashi dans la recherche de solutions durables face à l’accaparement des terres.
I. CONTEXTE
Avant les années 2000, l’exploitation minière se faisait par les entreprises étatiques : GECAMINES, SODIMICO, KINSEVERE, KISENGE MANGANESE…Avec la promulgation du code minier de la RDC en 2002, le secteur minier a connu un essor très significatif ; ce qui n’a pas été sans conséquence sur la situation des petits producteurs agricoles.
En effet, l’année 2007 qui connait l’apogée de ce secteur voit aussi apparaitre les 1ers cas de délocalisation des producteurs agricoles se retrouvant dans des concessions minières dites « carrés miniers », avec ou sans indemnisations pour divers motifs. Il faut signaler que l’ancienne Province du Katanga est couverte à plus de 75% par des carrés miniers.
Les déplacements massifs des populations à la recherche d’un emploi sont aussi à la base d’une pression urbanistique, particulièrement dans les grandes villes et grandes agglomérations rurales comme Fungurume, laquelle contribue à l’expansion anarchique des villes et agglomérations et donc, à l’occupation des terres jadis destinées aux activités agricoles.
A la même époque, une classe de nouveaux riches et opérateurs politiques prend des concessions agricoles pour la production agricole ou des parcs d’animaux contraignant les producteurs agricoles paysans à l’abandon des terres villageoises et agricoles.
Dans ce contexte, des conflits naissent qui opposent les paysans aux opérateurs miniers, aux services de cadastres et aux opérateurs agricoles de moyenne ou de grande taille.
Quelques actions timides vont être menées pour une indemnisation de ces communautés. Il y en a qui vont trouver gain de cause mais là aussi, ce sera d’une manière pas toujours favorable pour les paysans, car les taux d’indemnisation sont fixés par les entreprises qui délocalisent. Ces niveaux d’indemnisation varient entre 50 dollars et 600 dollars à l’hectare y compris les cultures détruites.
II. ACTIONS MENEES PAR LE BDD
En ses Art 387 à 389, la Loi Foncière de la RDC (de 1973 modifiée en 1980) donne aux communautés locales des villages le Droit de jouissance des terres délimitées selon la coutume, malheureusement sans aucun titre de propriété. Avec l’avènement du code minier, le constat fait sur le terrain montre que le code minier a préséance sur le code foncier.
En 2011, sur les 58 associations agricoles (des milieux ruraux environnant la ville de Lubumbashi et Likasi) qui collaboraient avec le BDD/L’shi depuis 2001, 19 ont dû quitter le programme, dont 16 suite à des délocalisations dues essentiellement à la prise des concessions agricoles par les élites. 25 autres organisations ont dû changer de sites de production suite à la présence des mines (dans 60% des cas) et à l’extension de la ville (40%). En 2015, sur les 62 organisations paysannes accompagnées par le BDD, 8 associations ont encore connu des cas de délocalisation.
C’est ainsi que dans le cadre du partenariat entre les organisations paysannes et le BDD/L’shi, quelques actions ont été menées : 1) un travail d’information et de formation sur la Loi foncière et les procédures d’acquisition des titres de propriété des terres agricoles à travers des émissions radio et des focus group, des conférences, la diffusion des dépliants etc. 2) un travail de mise en relation directe des populations avec les services du cadastre 3) l’accompagnement des organisations pour l’acquisition des titres de propriété auprès des services du cadastre, 4) des ressources financières qui ont pu être dégagées par le BDD pour contribuer au paiement des frais pour l’acquisition des titres de propriété, 5) une action de plaidoyer initiée par le BDD qui a permis la production de 2 avant – projets d’édits déposés auprès de l’Assemblée Provinciale de l’ancienne province du Katanga dont l’un pour la sécurisation des terres agricoles, 6) la mise en place d’un cadre de concertation avec les parties prenantes (les autorités coutumières et administratives locales, les services étatiques /Inspection Provinciale de l’Agriculture Pêche et Elevage&Développement Rural, les représentants des petits producteurs sur la question d’insécurité foncière des concessions agricoles des petits producteurs, 7) la diffusion d’une fiche de reconnaissance d’occupation des concessions agricoles validée officiellement au niveau des autorités locales. Celle-ci permettra aux paysans de pouvoir revendiquer l’occupation d’une concession agricole en cas de problème, 8) des négociations avec des chefs de terre qui ont permis à 7 associations délocalisées par des entreprises d’acquérir de nouvelles concessions à titre locatif, 9) la plantation des arbres pour délimiter les concessions agricoles des organisations agricoles et valoriser les montants d’indemnisation, 10) L’adhésion à des réseaux pour un travail en synergie.
III. PERSPECTIVES POUR DES SOLUTIONS DURABLES
Face aux défis auxquels restent confrontés les producteurs agricoles familiaux comme l’acquisition onéreuse des titres de propriété des terres agricoles auprès des services de l’Etat; l’extension de la ville, le boom minier, le nombre croissant des élites qui continuent à acquérir des terres, la faible organisation du monde rural et de la société civile, ainsi que la mauvaise gouvernance des services préposés à la gestion des terres, quelques pistes de solutions ont été proposées à savoir : 1) l’accompagnement des ménages des producteurs agricoles familiaux à établir davantage de liens avec les autorités locales et les services légaux pour assurer une sécurité foncière réelle, 2) l’obtention de la mise en place du cadastre agricole tel que proposé par la Loi agricole de la RDC de 2011 pour un zonage des terres agricoles des villages, 3) l’obtention de la validation des propositions faites en faveur des communautés locales, dans le cadre de la révision en cours du code minier de la RDC, 4) l’exploitation de l’arrêté du 1er Ministre de la RDC permettant aux communautés locales d’acquérir les titres de propriété des concessions forestières communautaires des villages, 5) de mieux organiser les communautés locales afin de les amener à être des partenaires importants et influents dans l’optique de la prise en charge et 6) Espérer une réorganisation effective de la société civile et une implication réelle de l’Eglise afin d’amener plus de synergie dans le travail de plaidoyer.
Pour le BDD/L’shi
Placide MUKEBO
Lucienne BUHENDWA