FONDAMENTAUX DE LA CATEGORISATION DES GROUPES
I. INTRODUCTION
Pendant combien de temps faut- il accompagner les ménages agricoles organisés en groupe
ou Associations des producteurs ?
Cette question pertinente s'est imposée au BDD/L'SHI qui, depuis 2001, collabore avec plusieurs ménages agricoles organisés de Lubumbashi, Likasi, Nkanga, Kansenia et Mukabe.
L'Evaluation externe de 2010 du Programme de Développement Durable des communautés locales de l'Archidiocèse, réalisée avec l'appui financier de Misereor Allemagne, a elle aussi soulevé la question.
Depuis, des efforts de formulation des réponses appropriées sont fournis au niveau interne et avec l'appui du consultant de Misereor en matière de développement rural, pour tenter d'approcher cette fondamentale question.
Les réponses proposées sont allées dans le sens : de séquencer les phases ou paliers d'un projet d'autopromotion ou d'accompagnement et, d'une catégorisation des ménages et des groupes, deux considérations susceptibles d'orienter la stratégie globale de collaboration.
La présente note s'intéresse donc aux options fondamentales ou éléments pertinents à prendre en compte pour mieux élaborer les critères de catégorisation, l'objectif ultime étant d'intégrer le sevrage dans le schéma ou la stratégie d'accompagnement à l'autopromotion des ménages et des groupes.
II. ELEMENTS A ANALYSER
1°: LES PRINCIPES DE LA GESTION AXEE SUR LES RESULTATS.
Depuis la déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide au développement, rendre compte des résultats est devenu plus contraignant pour tous, en particulier pour les organisations bénéficiaires de l'aide. Cette exigence concerne aussi la relation d'accompagnement entre le partenaire communautaire (organisation à base communautaire, organisation des producteurs) et le partenaire d'appui ou d'accompagnement (ici le BDD Lubumbashi).
Mieux connaitre son partenaire permet d'ajuster et de cadrer les interventions. Cela permet aussi de dire clairement quel pas a été franchi, vers quel palier.
Des ménages qui décident d'entreprendre quelque chose pour sortir des difficultés qui les assaillent, ne peuvent pas avoir des prétentions organisationnelles au-delà de la constitution ou, à la limite, de la structuration, sur une période d'au plus trois ans, par exemple. C'est pareil sur le plan des résultats.
2° : L'EVOLUTION, LE NIVEAU ORGANISATIONNEL OU INSTITUTIONNEL DU GROUPE
Chaque groupe, chaque OBC ou organisation des producteurs, passe par plusieurs phases ou étapes dont la durée est variable en fonction de la qualité des membres et surtout des leadersou dirigeants. La littérature cite 5 phases : la constitution, la structuration, l'appropriation, la professionnalisation et l'autonomisation. D'autres experts approchent ces catégories par l'analyse de la dynamique de groupe et constatent plusieurs phases :
La naissance, l'enfance, l'adolescence, la consolidation, la maturité, La bureaucratisation, le déclin et l'extinction (si des mesures de redressement n'ont pas été prises à temps et si l'organisation n'a pas été apprenante).
Que ce soit dans l'un ou l'autre cas de catégorisation, ce qui est à retenir c'est qu'un accompagnement à l'autopromotion et auto prise en charge s'inscrit dans la durée mais, il doit faire progresser le groupe d'un stade à un autre.
3° : LE TEMPS DE COLLABORATION
Les besoins d'accompagnement sont énormes voire inépuisables, de même que les ménages et les groupes en besoin d'accompagnement.
L'objectif de tout accompagnement est de voir l'accompagné développer des capacités et compétences à même de l'amener à avoir une vie digne, autonome bref, à se prendre en charge. L'accompagnement étant vu comme un coup de pouce à l'accompagné, il sera alors difficile que le coup de pouce soit permanent au point de créer une dépendance (nocive) entre l'accompagné et l'accompagnateur.
Savoir limiter dans le temps de l'appui (technique, matériel, pédagogique, psychosocial...), apporté à un ménage, à un groupe figure donc parmi les éléments à prendre en compte pour bien catégoriser le groupe ou le ménage partenaire. Ceci permet de dégager unespace pour les autres ménages et groupes en besoin d'accompagnement. En effet, on ne peut pas indéfiniment pousser un véhicule qui doit démarrer.
4° : LE TYPE D'ACCOMPAGNEMENT
Au sein du BDD Lubumbashi, l'autopromotion reste une option fondamentale de travail, conformément à la Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique.
Deux démarches d'accompagnement sont principalement privilégiées au sein du BDD Lubumbashi :
a) L'animation - sensibilisation (l'animateur est à la base de la collaboration. C'est lui qui prend l'initiative d'entrer dans la communauté à partir de la connaissance du milieu jusqu'à la structuration)
b) L'accompagnement des actions ou l'appui aux dynamiques organisationnelles paysannes (le groupe en besoin est à la base de la collaboration. C'est lui qui, le premier, formule ou exprime la demande d'accompagnement de ses actions).
Dans la plus part des cas, la démarche d'accompagnement la plus usitée est celle d'animation - sensibilisation. Avec des groupes qui progressent, la relation d'accompagnement tend à se déplacer de l'animation - sensibilisation vers une démarche d'accompagnement des actions. En effet, la maturité des groupes et leur niveau de prise de décision influence le type d'accompagnement.
5° L'APPROCHE DE VULGARISATION
Il n'y a pas d'approche qui soit plus valable que d'autres. Cependant, toute vulgarisation se déroule dans un contexte spécifique (géographique, culturel, économique, de population, de densité, de background...), avec pour objectifs premiers de rendre des gens capables d'entreprendre par leurs propres forces. Toute approche utilise des personnes qui ont leur propre échelle des valeurs face aux groupes cibles tout aussi spécifiques. En effet les paysans- nes et personnes démunies de Lubumbashi ne sont pas les mêmes que celles de Nkanga ou de Luozi. Les populations des savanes n'ont pas les mêmes pratiques et habitudes culturales et de travail que celles de montagne ou des forêts. Ces différents aspects conditionnent le taux et la rapidité des adoptions des techniques et innovations.
Dans le cadre du BDD Lubumbashi, l'approche la plus usitée est celle « d'Expérimentation-Formation-Dissémination » que les autres appellent,
Recherche-Développement, Champ Ecole Paysanne etc.
Cette approche a ses exigences en termes de temps à consacrer, de patience, d'essais-erreurs etc Pour le cas de l'engrais vert de MUCUNA au Sud Katanga par exemple, où il y a 4 à 5 mois de pluies, il faut commencer par faire découvrir et faire connaître aux producteurs cet engrais. C'est déjà une campagne culturale. A la deuxième année, les producteurs peuvent découvrir les effets de cet engrais vert sur les cultures de maïs et haricot par exemple. A la troisième année, les producteurs les plus actifs et intéressés peuvent alors entreprendre par eux-mêmes d'installer des parcelles de transposition dans leurs exploitations. A la quatrième année, ceux qui auront eu des résultats pourront alors décider d'aller plus loin.
Dans des régions où il pleut 8 à 9 mois sur 12, là où il y a deux campagnes culturales sur une année civile,la durée de l'expérimentation-formation-dissémination peut varier.
6° : LES REALISATIONS ET LES RESULTATS
Les programmes réalisés doivent permettre des résultats ou changements concrets dans la vie des ménages et des groupes.
Ces résultats ou changements portent ou ont trait aux savoir, aux savoir-faire et aux savoir être (comportement, attitude, adoption....), aux
avoirs, au vouloir et au pouvoir (capacité à influencer, rapport de force, agent de changement social etc.).
La survenance des résultats est fonction du temps, de la qualité des porteurs du projet, de la qualité de la relation d'accompagnement, du contexte général et de biens d'autres facteurs notamment le secteur d'activités (maraîchage, vivrier, arbres...).
En plus des changements concrets perceptibles, la capacité des groupes à gérer ou rendre durable les résultats du projet ou de l'accompagnement est un des autres critères d'analyse.
Là où les réalisations,les adoptions, les changements c'est-à-dire des réponses ont été trouvées ou apportées aux problèmes de départ, il n'est plus nécessaire de maintenir le même niveau d'engagement.
Tout aussi vrai, là où des résultats n'ont pas pu être dégagés malgré l'engagement de qualité de l'accompagnement, il y a lieu de se demander sur la pertinence d'une relation de collaboration car en effet, dans ces circonstances, se pose alors la question de l'efficience d'abord.
III. QUELQUES CRITERES DE CATEGORISATION
La discussion ci-haut, montre l'urgence et la nécessité de prendre en compte le sevrage dans tout travail ou relation d'accompagnement.
Le seul critère temps de collaboration ne suffit donc pas à orienter sur les critères de catégorisation des ménages et des groupes. Il faut en plus, analyser le niveau ou l'Evolution organisationnelle, le type ou l'approche d'accompagnement, l'approche de vulgarisation, les réalisations ou changements réellement enclenchés, dans quel secteur et pour combien de temps.
Tous ces éléments réunis ont amené le BDD Lubumbashi à adopter une catégorisation simple et schématique à 3 niveaux, des ménages (niveaux socioéconomiques convenable, moyen et pénible) et des groupes (niveaux organisationnel et de dynamique interne : Avancé, Moyen et Faible ou Débutant).
Ces critères sont dynamiques et doivent rester dynamiques.
A partir du programme 2015-2018, le BDD Lubumbashi s'est engagé à expérimenter cette catégorisation en retenant Trois ans de collaboration avec des groupes engagés dans le maraîchage et 9 ans avec ceux engagés dans le secteur vivrier et arboricole.
Ci-après les critères :
Tableau 1. Catégorisation des ménages avec quelques critères (Grille ADA)
CRITERES | ALIMENTATION | SCOLARISATION DES ENFANTS | AGRICULTURE | ÉLEVAGE | SOINS MEDICAUX | POSSESSION DES BIENS DE VALEUR |
Vie convenable | Consomme 3 repas par jour, repas diversifié | Capable de scolariser tous les enfants à l'âge scolaire | Travail agricole sur une superficie > 3 Ha avec cultures diversifiées | 5-10 Chèvres, Porcs, Poules Canards et autres | Capable de se faire soigner dans une formation médicale adéquate | Maison avec 4 pièces, Chaises, tables, Mousse, (Moto, Moulin, |
Vie moyenne | Consomme 1 ou 2 repas par jour et repas diversifié | Capable de scolariser tous ou partie | Travail agricole entre 1 et 2 Ha, cultures diversifiées mais limitées à | 1-4 Chèvres, Poules Canards | Capable de se faire soigner dans une formation médicale acceptable | Maison avec 2 pièces, Mousse, Vélo, Radio, chaises plastiques, |
Vie pénible | Moins d'un repas par jour, non diversifié | Pas d'enfants scolarisés | Travail agricole ≤ 60 ares à Likasi, 35 ares à Lubumbashi, et travaille main-d'œuvre agricole pour les autres (contrat), monoculture | 3-5 Poules | Recourt au traitement traditionnel sans précaution | Maisonnette, hutte, sans chaise, sans habillement adéquat, etc. |
Tableau 2. Catégorisation des groupes
CATEGORIES | |
A | Dispose d'un comité, des documents et outils |
B | Dispose d'un comité, des outils de gestion mais tenus de manière insuffisante, d'une |
C | sur le plan organisationnel et celui de la maitrise des techniques diffusées, le groupe |
Placide Mukebo
Décembre 2016
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